L'escrime de spectacle et artistique.

Publié en 1998

Bien plus spectaculaire que l'escrime de compétition, puisque plus lisible pour le spectateur, l'escrime de spectacle bénéficie de plus en plus d'adeptes. Pas un « son et lumière » ou un marché médiéval sans combat, on ne compte plus le nombre des spectacles historiques.

L’escrime de spectacle et son dérivé, l’escrime artistique font partie de ce que l’on peut appeler les arts martiaux de cinéma et de spectacle. Je préfère parler de « combat scénique ». C’est un art millénaire existant depuis que l’homme présente la violence sur scène. Jusqu’à il y a 15 ans encore l’escrime de spectacle était un art de combat très précis, destiné à présenter l’escrime sur scène à un large public, souvent de connaisseurs. Elle répondait à des règles d’escrime et à des critères de mise en scène. Le comédien était bien formé et créait sur scène l’illusion des véritables combats mais en toute sécurité pour lui et son partenaire. Le cinéma influença et modifia beaucoup la vision des spectateurs : sa façon de regarder un combat a changé, mais la technique d’escrime a su s’adapter. Il fallut aussi créer une nouvelle technique de combat correspondant aux besoins de la caméra. Contrairement au combat réel, où les adversaires s’opposent et s’affrontent, ces combats scéniques étaient fondés sur la coopération de deux ou plusieurs acteurs combattants racontant une histoire pour un public. La crédibilité de leur combat reposait et dépendait de leur maîtrise de l’art du combat et des techniques de spectacle.
Parallèlement, coexistait l’escrime ancienne, qui décrivait les tentatives de certains maîtres d’armes de préserver les techniques du combat des 17ème, 18ème et 19ème siècle. L’influence entre ces deux arts de combat était mutuelle.
Soudain, le terme d’escrime de spectacle ne suffisait plus à décrire et circonscrire cet art. Cela poussa un maître d’armes Claude Carliez à rendre populaire l’expression escrime artistique dans le souci d’en faire un art plus accessible, mieux connu du large public.
«L'escrime artistique est certainement l'expression la plus visuelle, la plus spectaculaire de l'art des armes. » disait Claude Carliez entant président de l'AAF. « Elle est à l'escrime traditionnelle ce que le patinage artistique est au patinage sportif de compétition. »

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Le mot était donné, mais à la place de trouver un nouveau survêtement pour quelque chose ressenti trop vieux, un nouveau sport était créé. Dans des championnats l'escrime artistique mettait en compétition des escrimeurs sur une scène, le spectacle prenait la même place que la danse dans le patinage artistique. C'était un message clair et précis il y a 15 ans, quand l'idée était lancée et exprimait clairement la volonté de changement, de clarification et de structuration des activités. Malheureusement, la définition de cette escrime artistique est restée d’un flou artistique et il en résulte que cet art est devenu un « Melting pot » galvaudé, composé de tout et de n’importe quoi : amateurs et professionnels, techniques de travail des cascadeurs devant la caméra, « reconstitutions » des combats médiévaux et les combats de mousquetaires, et j’en passe. L'Académie avec Me Carliez à sa tête n'a pas réussi à réaliser cette idée.
Aujourd’hui, dès qu’un quidam tient une arme blanche dans la main et fait trois mouvements, on parle d’escrime artistique. Nous sommes aujourd'hui aussi loin d'une comparaison avec le patinage artistique qu'il y a 15 ans.

Or ce n'est quand-même pas difficile de s'appuyer sur quelque chose qui existe déjà et qui fonctionne bien. Le patinage artistique se compose de trois disciplines de bases que sont les habiletés, la danse et le style libre dans lesquelles les patineurs évolueront jusqu’aux compétitions. Traduit à l'escrime artistique ça donnerais : Les habilités - un nombre d'exercices imposés, le duel - exécutions des duels imposés avec des dégrées de difficulté différant, et style libre - présentation d'un combat de quelques minutes en spectacle.
Ce qui reste de cette belle idée, ce sont des animations de spectacles composés essentiellement de l'escrime. A quoi douté de la nécessité d'une nouvelle discipline sportive.

Pourtant cette escrime n’en constitue pas moins une réalité par le nombre et la diversité de ses adeptes, quels qu’ils soient, de par l’intérêt suscité par le cinéma et le théâtre. Mais aussi, et surtout, parce que cette escrime est un art au sens propre du terme : « ensemble des connaissances théoriques et pratiques et de leurs applications propres à une activité, à un métier, à une technique. »
Un maître d’armes d’escrime sportive, sans formation ni expérience artistique (direction de comédiens, mise en scène, chorégraphie, etc. pour le théâtre ou le cinéma) ne produit pas d’escrime artistique ou de spectacle ou assimilée, mais un soi-disant « spectacle » d’escrime sans aucune notion des règles de mise en scène et de mise en espace les plus élémentaires.
Or, le spectacle c’est l’ensemble des activités concernant la conception et la représentation artistique.