Une nouvelle vie pour l’escrime de spectacle?

Publié le 15.06.2003

Les définitions foisonnent, fusent, qu’elles soient superficielles ou sophistiquées, limitatives ou «expansionnistes » ou même simplistes, voire péjoratives.

Jusqu’à 1990 encore l’escrime de spectacle était un art de combat très précis, destiné à présenter l’escrime sur scène à un large public, souvent de connaisseurs. Existant depuis que des combats sont mis en scène, elle répondait à des règles d’escrime et à des critères de mise en scène. Le comédien était bien formé et créait sur scène l’illusion des véritables combats mais en toute sécurité pour lui et son partenaire. En Allemagne du 15e siècle on appelait « leichmeister » des escrimeurs qui se battaient en spectacle.

Parallèlement, co-existait l’escrime ancienne, qui décrivait les tentatives de certains maîtres d’armes de préserver les techniques du combat des 17e, 18e et 19e siècles. L’influence entre ces deux arts de combat était mutuelle.

Le cinéma influença et modifia beaucoup la vision des spectateurs : sa façon de regarder un combat a changé, mais la technique d’escrime a su s’adapter. Il fallu aussi créer une nouvelle technique de combat correspondant aux besoins de la caméra. 

Soudain, le terme d’escrime de spectacle ne suffisait plus à décrire et circonscrire cet art. Cela poussa un maître d’armes bien connu à rendre populaire l’expression escrime artistique dans le souci d’en faire un art plus accessible, mieux connu du large public.

Malheureusement, la définition de cette escrime artistique est restée d’un flou artistique et il en résulte que cet art est devenu un « Melting pot » galvaudé, composé de tout et de n’importe quoi : amateurs et professionnels, techniques de travail des cascadeurs devant la caméra, « reconstitutions » des combats médiévaux et les combats de mousquetaires, et j’en passe. 

Aujourd’hui, dès qu’un quidam tient une arme blanche dans la main et fait trois mouvements, on parle d’escrime artistique. 

L’escrime, qu’elle soit dite artistique ou de spectacle ou assimilée, n’a pas pour but de tuer son adversaire, comme c’était le cas dans le duel, ou de marquer des touches, comme c’est le cas en escrime sportive. 

Cette escrime n’en constitue pas moins une réalité de par le nombre et la diversité de ses adeptes, quels qu’ils soient, de par l’intérêt suscité par le cinéma et le théâtre. Mais aussi, et surtout, parce que cette escrime est un art au sens propre du terme : « ensemble des connaissances théoriques et pratiques et de leurs applications propres à une activité, à un métier, à une technique. »

Un maître d’armes d’escrime sportive, sans formation ni expérience artistique (direction de comédiens, mise en scène, chorégraphie, etc. pour le théâtre ou le cinéma) ne produit pas d’escrime artistique ou de spectacle ou assimilée, mais un soit disant « spectacle » d’escrime sans aucune notion des règles de mise en scène et de mise en espace les plus élémentaires.

Or, le spectacle c’est l’ensemble des activités concernant la conception et la représentation artistique.

D’aucuns décrient le manque de « réalisme » de l’escrime artistique ou de spectacle ou assimilée. De quel réalisme est-il question? Des superbes actions d’escrime que l’on voit de plus en plus rarement sur la piste, puisque le but est seulement de comptabiliser les touches ? Si tel est le cas, ces superbes actions d’escrime, appréciées des seuls connaisseurs d’escrime d’ailleurs, dépendent des capacités du maître d’armes et ses comédiens.

Mais en matière de spectacle, le metteur en scène est seul maître à bord et sa décision dépendra de son approche de l’art qui peut être naturaliste, romantique, impressionniste, réaliste, ou contemporaine. Le combat est au service du spectacle, du texte et du comédien et non pas le contraire. 

L’opinion fort répandue qui veut que dès lors qu’il y a combat, il y a action et forcément spectacle, est omniprésente. Mais un autre maître d’armes bien connu de l’escrime de spectacle a dit un jour: « Le meilleur moment dans l’escrime c’est quand il n’y a pas d’escrime. » Il faisait allusion à des notions comme le rythme, la tension ou « le point suspendu de l’action ». 

Je pense qu’aujourd’hui il est temps d’essayer de sauver cet art du combat qu’on appelait autrefois escrime de spectacle et qui se meurt dans la superficialité de notre époque. 

Et pour apporter ma modeste contribution à ce sauvetage, je propose un nouveau nom à cette escrime, afin de mieux intégrer ce nouveau média qu’est le cinéma : 

ESCRIME SCENIQUE.

Définition :
L’escrime scénique est un art du combat exécuté devant un public ou une caméra répondant à des règles précises d’escrime, de mise en scène et de sécurité.

L’escrime scénique c’est :
- un système de combat moderne, élémentaire, intemporel et évolutif
- des règles de sécurité qui protègent combattants et spectateurs, différentes selon que les actions se situent sur scène ou devant la caméra
- une dépendance forte de l’espace théâtral et de la mise en scène
- des armes adaptées

 

 

©Jeuxdepees.fr 2003