Michael Müller-Hewer

La sécurité dans la pratique des AMHE

Publié le 16.01.2021

La situation
Historiquement, les AMHE se sont développés à partir de l’étude des anciens manuels de combat (la lecture ne présente normalement pas de risques…). Puis s’est développée la mise en pratique dans le cadre d'entraînement entres amis.

Dès lors qu'il y a mise en pratique, il doit y avoir des paramètres de sécurité. Lire et mettre en pratique des manuels de combat n'est pas aussi simple que de lire une recette de cuisine et l’appliquer pour créer un bon repas. Et même s’il y a des risques quand on cuisine (entre autres celui d’empoisonner ses invités ou de se couper), ils sont loin des nôtres.

La plupart des activités physiques impliquent des risques. Ces risques peuvent induire des problèmes de sécurité. En escrime, on utilise une arme de diverses manières et des risques physiques en découlent.

Si on prend l’exemple des pompiers, on est capable de décrire les risques potentiels auxquels ils sont confrontés pendant leurs missions : des chocs provenant d’objets qui tombent, des murs qui s’écroulent, le feu lui-même que les pompiers doivent traverser et la dégradation de l’air par des substances toxiques ou l’absence de l’oxygène etc.

Pour mettre en place le matériel de protection adapté aux activités des pompiers, des études ont été réalisées et des conclusions en ont été tirées pour déterminer quel type de matériel devait être utilisé pour que les pompiers interviennent de la manière la plus sécuritaire possible.

Au Moyen Âge, les combattants allaient à la guerre en portant une armure et un casque en acier et ils pensaient donc qu’ils étaient bien protégés. Mais lorsque nous pratiquons cette escrime aujourd’hui, nous n’arrivons pas en armure et avec un heaume sur la tête.

En l’état actuel des choses, les pratiquants portent toutes sortes de matériel de protection, lesquels ne sont peut-être pas adaptés et ne protègent peut-être pas de manière suffisante. A titre d’exemple, dans nos compétitions, chacun arrive avec son masque fabriqué « made in personnel » ou avec sa tenue « bibendum » dans l’espoir que plusieurs couches de tissu vont résister aux chocs.

Enfin, dans nos compétitions, rien n’est obligatoire, ni requis.

En travaillant sur un module de formation sur la sécurité dans la pratique des AMHE, je me suis rendu compte qu’il nous manque (en tout cas à ma connaissance) une étude des risques, des conclusions concernant le matériel de protection à utiliser, des normes et standards et aucun matériel certifié/homologué. Il ne nous est donc pas possible de garantir à nos membres une pratique des AMHE dans les meilleures conditions de sécurité.

De plus, en émettant des conseils ou recommandations de sécurité, nous nous exposons éventuellement à des poursuites judiciaires en cas d’accident. Dès lors qu’un instructeur ou un compétiteur aura suivi ces conseils ou obligations, en cas d’accident, cette personne pourrait se retourner contre la fédération, mettant en évidence les lacunes de sécurité. Ceci nuirait grandement à l’image des AMHE comme pratique et comme sport, et pourrait entrainer à long terme une interdiction de cette activité, qui serait jugée trop dangereuse ou incontrôlée.

Comment sortir de cette situation qui n’est pas insoluble ?

Comment établir un règlement cohérent et sécuritaire pour former des instructeurs et à imposer aux compétiteurs ? Certes, on peut avoir des idées, on peut avoir les opinions basées sur l’expérience et sur la pratique du sport ou de la discipline fondés sur le passé, mais ce n’est pas suffisant pour garantir une pratique sécuritaire des AMHE.

1. Dans l’immédiat, il serait utile d’établir un règlement qui se fonde sur ce qui est le plus protecteur sur le marché.

Ainsi, même en cas de problème juridique, on aura au moins montré que l’on a fait un pas dans la bonne direction. Permettre l’utilisation de matériel qui ne protège pas ou peu, alors que le matériel sur le marché est déjà peu ou pas adapté à notre sport, nous expose à des risques importants.

2. Il faudrait aussi vérifier s’il existait dans l’histoire ou dans la littérature des règlements de sécurité (exemple Meyer, 1600, Absence de coups d’estocs) et des analyses sur la protection ou absence de protection.

L’interdiction de la pratique des coups d’estocs dans les salles d’armes du Maître Meyer vers l’an 1600 montre qu’il y avait des soucis de sécurité qu’on cherchait à résoudre par des règlements.

L’exemple des armures en métal prouve bien qu’il y a eu une analyse faite à l’époque. Si on a fait des armures, c’était justement pour protéger les gens. Même si c’était une analyse sommaire, parce que les laboratoires d’analyses scientifiques n’existaient pas, il y a bien qqn à un moment qui s’est dit : « mes soldats vont se faire transpercer par les armes, je dois les protéger. Qu’est-ce qui protège de l’acier, c’est l’acier. »

3. Il faudrait aussi rechercher au sein de la communauté des AMHE (IFHEMA, d’autres fédérations nationales, …), s’il y a des gens qui ont fait des tentatives d’analyse sur la sécurité. Il y a peut-être également des experts et des scientifiques qui pourraient analyser la pratique du sport, assister à des combats et à des compétitions afin d’évaluer l’impact et l’utilisation des armes (poids, force, etc.) et qui seraient capable de créer les standards nécessaires pour répondre à cette pratique. Et voir aussi les travaux déjà fait. Les réseaux servent à ça.

4.Travailler avec des fabricants de matériel d'escrime. Exemple : En Allemagne, l’école de combat « In Muto » fait des recherches sur le matériel de protection et travaille étroitement avec Uhlmann. Il semble que ce dernier vient sortir une veste à 800N pour pratiquer les AMHE. Il faut vérifier s’il d’autres fabricants ont produit du matériel que nous pourrions utiliser.

Peut-être serait-il envisageable de commissionner un des fabricants pour faire la recherche sur le matériel sécuritaire. Le retour en investissement pour un fabricant serait que le matériel qu’il va fabriquer sera certifié/homologué et que le matériel à utiliser, par exemple dans les compétitions organisées par les fédérations, devrait provenir du fabricant homologué. C’est un deal à faire, qui pourrait intéresser la IFHEMA.

5. Autre élément important : organiser un contrôle du matériel avant chaque compétition. Mais pour organiser un contrôle du matériel, il faut créer des standards et des normes.


Conclusion
Par le passé, les hommes qui se battaient en duel le faisaient à leurs propres risques. Ils ne pouvaient pas, en cas de blessure, aller se plaindre : « Vous m'avez appris l'escrime comme ça, mon matériel ne m’a pas protégé, je suis blessé, c'est de votre faute».

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de pratiques individuelles. Dès lors que nous nous sommes regroupés en associations ou en fédérations, nous sommes passés à un autre statut et nous avons établi une responsabilité collective. Une fédération nationale a une double responsabilité :

Dès lors que nous reconnaissons des instructeurs et des formateurs, nous devons également les instruire sur la sécurité.
Avec de la bonne volonté et de la méthode, toutes ces questions peuvent être résolues. Les fédérations des AMHE sont des entités relativement nouvelles, et il est par conséquent normal qu’il y ait des pas à accomplir. Mais il n’est plus temps d’attendre, nous devons agir.